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Les paiements pour services environnementaux

 

Cet article fait suite à celui publié précédemment sur le thème des services écosystémiques. Nous avions vu l'origine du terme et sa définition. Nous allons maintenant regarder comment les services rendus par la nature sont utilisés en politique environnementale.

 

Les paiements pour services environnementaux ou écosystémiques

Dans le domaine de la politique environnementale, l’outil le plus utilisé est le concept de PSE, soit paiement pour services environnementaux ou écosystémiques. Plusieurs définitions ont été proposées, mais le principe commun consiste en la rémunération des acteurs et usagers du sol en fonction des bienfaits environnementaux qu’ils procurent à la société. Les PSE se retrouvent sous plusieurs formes : compensation, récompense en nature ou monétaire, financée par les bénéficiaires ou par un intermédiaire, de nature publique ou privé. Les premières mises en œuvrent politiques des PSE eurent lieu dans les années 1990. Citons les trois exemples historiques les plus célèbres :

 

 

En France, l’entreprise Vittel rémunère les agriculteurs en amont de la source de captage pour que ces derniers adoptent des pratiques agricoles permettant d’assurer une bonne qualité de l’eau minérale que Vittel exploite (Perrot-Maître, 2006), et ce depuis le début des années 90.

 

De l’autre côté de l’Atlantique, la ville de New York à également expérimenté l’outil des PSE dans les années 90. Au lieu d’opter pour la construction d’une nouvelle station d’épuration très couteuse, la ville a choisi de prévenir les pollutions agricoles, forestières et domestiques en rétribuant les agriculteurs et les villes présents sur le bassin versant en amont, alimentant les eaux de la ville. Les rétributions sont financées par une taxe payée par les consommateurs de l’eau.

 

Au Costa Rica, une nouvelle règlementation forestière du pays a reconnu en 1996 quatre services environnementaux fournis par les forêts : l’atténuation du changement climatique, la conservation de la biodiversité, la protection des bassins versants et la préservation des paysages. Ainsi, un programme local de PSE verse depuis 1997 des compensations financières aux acteurs forestiers ou agricoles permettant des actions de reboisement, de protection et de gestion durable de la forêt. La vente de combustibles fossiles et les recettes issues de l’exploitation hydroélectriques sont taxés afin de financer le programme.

 

Ces exemples offrent un aperçu de la diversité des acteurs impliqués dans le PSE.
Le milieu des années 1990 marque ainsi l’émergence des PSE, mais c’est au milieu des années 2000 que la diffusion internationale de ces outils a lieu, au moment où émerge une réflexion sur le financement des aires protégées (Méral, 2012).

 

Il est à noter que l’utilisation croissante de l’outil des PSE à l’international n’est pas liée directement à la publication du Millennium Ecosystem Assessment. En effet, dans le monde tropical forestier, ou les bases des PSE ont été posé, on parle de PSE pour désigner des services environnementaux, tels que le carbone, l’eau, la biodiversité et la beauté scénique, à la différence de la typologie du MEA comprenant les services d’approvisionnement, de régulation et culturels. Aussi, les promoteurs des PSE n’utilisaient pas à l’origine le terme de service écosystémique, et à l’inverse le MEA n’accorde pas de légitimité au service environnemental.

 

Les deux appellations, présentant des dynamiques relativement autonomes, ne sont entrées en convergences que depuis le début des années 2010. À l’heure actuelle, les acteurs utilisent en majorité le terme de paiement pour services écosystémiques, ceci étant dû à la forte

 

Critiques et controverses autour des PSE

Une des critiques émises contre le système des PSE repose sur l’aspect marchand véhiculé par le terme. En effet, pour certains, le concept de service écosystémique lui-même s’inclut dans une idéologie néolibérale, se représentant la nature en termes de « capital » ou de « flux », approche dématérialisée se prêtant à la financiarisation (Doussan, 2017). Les PSE seraient ainsi une manifestation de la tendance allant vers une marchandisation de la nature.

 

L’efficacité environnementale des PSE est également remise en question. Cependant, les évaluateurs des PSE sont confrontés à un manque de données. En effet, plusieurs raisons viennent compliquer l’évaluation de l’efficacité environnementale réelle des PSE : de nombreux biais peuvent amener à sur- ou sous-estimer l’évaluation ; il est généralement difficile et coûteux de mesurer les services environnementaux ciblés ; les évaluations sont souvent pensées a posteriori.

Les données manquantes peuvent comprendre les références historiques de la situation environnementale antérieure au

programme de PSE, ou encore les données de contrôles dans des zones non-soumises aux PSE.

 

Un autre aspect critiqué est celui de l’équité et de l’accessibilité des PSE. En effet, certaines populations semblent ne pas être favorisées par l’outil des PSE. D’après Sembrés (2007), les petits propriétaires terriens et les populations rurales pauvres ne participent que faiblement au projets de PSE, alors qu’il serait légitime que celles-ci profitent des potentialités sociales de ces outils.

 

Au Costa Rica par exemple, ce sont majoritairement de grands propriétaires terriens qui participent au programme de PSE. Ceux-ci ne vivent majoritairement pas dans leur ferme sous contrat pour des PSE, possèdent des titres légaux de propriété, un haut niveau d’éducation et des revenus relativement élevés et diversifiés dans des activités non agricoles (Miranda, Porras et Moreno, 2003 ; Ortiz Malavasi, Sage Mora et Borge Carvajal, 2003 ; Zbinden et Lee, 2005).

 

De manière générale, les paiements reçus dans le cadre des PSE sont proportionnels à la surface détenue par les usagers du sol. Les PSE auraient donc, dans certains cas, tendance à renforcer le pouvoir économique de ceux déjà bien dotés en terre au détriment des plus démunis.

 

De plus, les PSE supposent généralement l’existence de droits de propriété sur les espaces fournissant les services environnementaux. Or, de nombreux producteurs de services environnementaux ne possèdent pas toujours de titres de propriété. Cette situation exclut ainsi ceux qui en sont dépourvus, bien souvent les populations les plus pauvres.

 

Conclusion

Depuis leur émergence dans les années 90, les paiements pour services environnementaux ont pris de multiples formes, et il est compliqué de tirer un bilan général tellement les cas sont variés. Au vu des nombreuses critiques à leurs égards, on peut qualifier ce bilan de mitigé. Cependant, il faut souligner l’importance de la volonté primaire de la création de ces outils : le maintien des services écosystémiques fournis par les écosystèmes. Au vu de la situation environnementale actuelle, il est nécessaire de continuer sur cette voie, en améliorant l’efficacité des outils existant, en répandant plus largement leur utilisation, ainsi qu’en réfléchissant à la création de nouveaux outils, plus accessibles.

 

Bibliographie

Etrillard C. « Paiements pour services environnementaux : nouveaux instruments de politique publique environnementale ». Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie. 11 avril 2016. n°Vol. 7, n°1,.

Disponible sur : < https://doi.org/10.4000/developpementdurable.11274 >

 

Malavasi O., Mora S., Carjaval B. « Impacto del Programa de Pago de Servicios Ambientales en Costa Rica como medio de reducción de la pobreza en los medios rurales », 2003.

 

Méral P. « Le concept de service écosystémique en économie : origine et tendances récentes », 2012. Nat. Sci. Soc. Vol. 20, n°1, p. 3‑15.

Disponible sur : < https://doi.org/10.1051/nss/2012002 >

 

Méral P., Pesche D. Les services écosystémiques. Editions Quae, 2016.

Disponible sur : < https://doi.org/10.35690/978-2-7592-2470-8 > ISBN : 978-2-7592-2470-8.

 

Miranda M., Porras I. T., Moreno M. L. « The social impacts of payments for environmental services in Costa Rica », 2003.

 

Perrot-Maître D. « The Vittel payments for ecosystem services: a “perfect” PES case? », 2006.

 

Sembrés, T. Le paiement pour services environnementaux : enjeux sociaux en Amérique centrale et ambiguïtés sur la nature d'un nouvel outil de développement durable, 2007. Thèse de doctorat.

 

Zbinden, S., & Lee, D. R. Paying for Environmental Services: An Analysis of Participation in Costa Rica’s PSA Program, 2005. World Development, 33(2), 255–272.