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Le traitement des eaux usées à travers les âges

Que sont les eaux usées ?

Les eaux usées, parfois également nommées eaux résiduaires ou effluents domestiques sont celles qui ont été souillées par l'activité humaine et utilisées pour évacuer leurs déchets et déjections. Elles sont susceptibles d'être chargées en polluants de physique, chimique ou biologique. Leur évacuation et leur traitement sont à l'origine d'importants enjeux de santé publique, mais également d'équilibre environnemental.

Nous vous proposons ici de revenir sur l'histoire de ces eaux pollués, et comprendre comment les société humaines ont pris en charge, et su prévenir, avec plus ou moins de succès les pollutions liées aux usages domestiques de l'eau.

Le traitement des eaux usées dans les cités antiques

Les civilisations les plus anciennes ont rapidement eu un rapport particulier à l'eau, essentiel à la vie, mais également à l'agriculture, à la construction, et de nombreuses formes d'industries.

 

Les premiers regroupements humains, et organisations politiques se sont généralement passées au bord des grands fleuves. Du croissant fertile où les civilisations mésopotamiennes se sont développés entre le Tigre et l'Euphrate, à l’Égypte pharaonique dont l'économie et le pouvoir politique sont assis sur les crues du Nil, les premières cités-états se sont chaque fois accolées à un cours d'eau particulier. Le fleuve irrigue les cultures, alimente les foyers, et permet de laver et d'évacuer les déchets, car ne l'oublions pas, l'eau reste un des meilleurs solvants que la nature ait produite.

 

L'évacuation des eaux a souvent consisté à simplement rejeté déchets liquides et solides dans le cours d'eau le plus proche, mais certaines cultures ont très tôt pris le parti de maitriser ces flux à travers les villes naissantes.

 

Un exemple remarquable sont les cités des civilisations de la Vallée de l'Indus, situés sur l'actuel Pakistan, qui se sont développés entre le IIIème et le Ier millénaire av. J.-C. Parmi elles, des cités telles que Harrapa ou encore Mohenjo-Daro, où un urbanisme planifié et normalisé semble avoir eu cours. A ces endroits, nous trouvons de nombreuses maisons intégrant salles de bains et latrines à demeure, ainsi qu'un système de canalisations évacuant les eaux non seulement de l'habitation, mais également de la cité.

 

A Rome, un premier canal de drainage à ciel ouvert apparait au  VIème siècle av. J.-C. avec une triple fonction : assècher les marécages, évacuer les eaux usées, mais également récupérer les eaux de pluie. C'est la Cloaca Maxima, qui sera peu à peu couverte, et deviendra le "grand égout" de Rome, alimenté par divers affluents. Aujourd'hui encore, ce canal reste utilisé pour évacuer les eaux de certains quartiers de la ville.

Ruines de Mohenjo-Daro, cité de la Vallée de l'Indus présentant un urbanisme planifié
Ruines de Mohenjo-Daro, cité de la Vallée de l'Indus présentant un urbanisme planifié

Les rejets des activités humaines, un problème de santé publique

Au Moyen-Age, les eaux usées comme les déchets sont rejetées à la rue, et subissent un putréfaction en attendant d'être évacué par les pluies. Odeurs et désagréments sont légions, et ces rejets participent à l'apparition des épidémies, constituant un un véritable problème de santé publique. Seuls les Seigneurs disposent dans leurs châteaux de latrines directement évacuées dans les fossés, souvent confondus quelques siècles plus tard avec les fameuses oubliettes.

 

Au fil du temps, la pratique des puits d'aisance, fosses fermées installées dans les jardins, se répand, mais contrairement aux fosses septiques qui viendront plus tard, ne disposent pas d'évacuation naturelle, et nécessitent d'être vidées régulièrement. Des transporteurs de latrines commencent à les évacuer, comme on le fait également pour les déchets qui sont transportés à l'extérieur des villes vers les premières décharges, ceci afin de protéger les populations des agents pathogènes.

Le mouvement hygiéniste

Au XIXème siècle avec la révolution industrielle et les débuts de l'exode rurale, des populations importantes se concentrent dans les villes, alors que les nuisances provoqués par cette densité commencent à se faire sentir. La propreté devient un problème politique et économique, les élites souhaitant éviter les épidémies, et préserver la bonne santé des ouvriers. C'est le mouvement hygiéniste, qui trouve sa place dans l'urbanisme du baron Haussmann ou dans les mesures prises par le Préfet Eugène Poubelle qui met en place la collecte des ordures ménagères grâce à l'invention portant son nom. L'assainissement des eaux commence à s'organiser dans les grandes villes. En 1853, Napoléon III autorise la Compagnie Générale des Eaux qui prendra en charge la production et la distribution d'eau potable dans plusieurs grandes villes de France.

Premières actions de la Compagnie Générale des Eaux au milieu du XIXème siècle
Premières actions de la Compagnie Générale des Eaux au milieu du XIXème siècle

Les enjeux de l'assainissement aujourd'hui

Aujourd'hui, 3.6 milliard de personnes dans le monde ne disposent pas d'un accès à des installations sanitaires gérées en toute sécurité. C'est ce que rapporte le site de l'OXFAM, qui déplore également qu'au moins 2 milliard de personnes boivent de l'eau contaminée par des matières fécales. Les impacts sanitaires de ce manque d’assainissement sont dramatiques, sous formes d'épidémies de maladies dont les symptômes peuvent être fatals avec notamment plus de 800 décès d'enfant chaque jour de diarrhée causée par une eau insalubre. La sécurité est aussi un enjeux pour les régions du monde où l'accès à des sanitaire est précaire, notamment pour les femmes et les filles. En effet, l'absence de toilettes dans les écoles peut éloigner les filles de l'éducation pendant leurs périodes de menstruation, et des sanitaires mal sécurisé s'avèrent propices aux agressions et abus.

 

Dans les pays disposant de structures de gestion des eaux usées, la maintenance de celles-ci constitue un enjeux à la fois sanitaire, écologique et économique. Les dysfonctionnements peuvent prendre la forme de dégradation des canalisation causant des fuites d'eau souillée dans l'environnement. Il peut également s'agir de branchements qui relient les circuits d'eaux pluviales et usées, qui vont saturer les systèmes d'épuration et causer là aussi la libération d'eau usées dans les cours d'eau. Le traitement des pollutions et la réparation des structures a un cout financier qui peut être minimisé en optimisant la taille des réseaux et structures d'assainissement.

 

En Europe, l'assainissement est strictement réglementé depuis 1991 par la Directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, qui exige de chaque commune d'assurer le traitement des eaux avant rejet dans le milieu naturel. Celle-ci est depuis complétée par la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui poursuit l'objectif d'atteindre le bon état écologique et chimique des cours d'eau, notamment par le contrôle des rejets.

 

L'assainissement des eaux usées est plus que jamais un enjeu, au croisement des problématiques de santé publique, de la préservation des écosystèmes. A l'époque du changement climatique, ces enjeux iront croissant, et demanderont de continuer à innover techniquement, mais également socialement sur la gestion de l'eau et de ses usages.

Bibliographie

  • https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/histoire-des-eaux-usees/
  • https://www.oxfamfrance.org/humanitaire-et-urgences/acces-aux-toilettes-et-latrines-dans-le-monde/