Qu'est-ce qu'une espèces exotiques envahissantes ?
Pour parler des espèces exotiques envahissantes, nous devons tout d’abord nous arrêter sur différentes définitions d’espèces :
Espèce indigène/autochtone : espèce originaire d’une zone géographique précise.
Espèce exotique/allochtone : espèce introduite (volontairement ou accidentellement) par l’Homme, dans un autre territoire, autre à son aire de distribution naturelle. La majorité des espèces introduites n’est pas et ne sera pas envahissante (on peut citer par exemple la tomate, la pomme de terre et le blé ou encore le platane à feuilles d’érables, qui ont été introduits et ne sont pas envahissantes).
Espèce exotique envahissante (EEE) : de même que pour l’allochtone, c’est une espèce introduite (volontairement ou accidentellement) par l’Homme, dont l’implantation et la propagation menacent les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences sur les services écologiques et/ou socio-économiques et/ou sanitaires négatives.
Comme nous pouvons le voir sur ce schéma, nous avons différents vecteurs d’introductions et pour différents motifs. Que ce soit par le voyageur rentré d’un autre pays (plantes en pots en souvenir ou graine sous les semelles de chaussures), soit par l’introduction dans les jardins des communes ou des particuliers, l’introduction peut provoquer une invasion d’une espèce végétale ou animale et menacer l’écosystème d’un département, d’une région voir au niveau national. Mais comment une espèce devient-elle invasive ?
De l’espèce exotique à l'espèce envahissante
Comme nous l’avons évoqué une espèce exotique ne devient pas forcément invasive, de même que ce processus est assez complexe… Comme nous pouvons le voir sur ce schéma, une minorité d’espèces devient invasives, c’est ce qu’on appelle la règle des trois fois dix (« Three tens rule » de Williamson, 1996). Cette règle est vraie pour les espèces végétales, mais chez les espèces animales des études ont prouvées que son taux d’espèces invasives serait supérieur (17 % d’invasifs chez les oiseaux et 50 % chez les mammifères d’après Jeschke et Strayer, 2006). Ce qui est compliqué lors de la détermination qu’une plante est invasive, c’est que nous ne le voyons pas immédiatement... Effectivement, le caractère invasif des espèces végétales peuvent se révéler plusieurs dizaines d'années voire plus d’un siècle et demi après l’introduction de la nouvelle espèce : c’est ce qu’on appelle la phase de latence.
Pour certaines espèces, nous pouvons relever des traits biologiques communs :
- une capacité de reproduction ou de multiplication importante
- un développement rapide les rendant très compétitives par rapport aux autres espèces
- une capacité d’adaptation forte et une résistance importante aux perturbations
- une absence ou un nombre restreint de prédateurs naturels.
Toutefois, nous rencontrons des exceptions qui restent très nombreuses, ce qui complique la tâchent des scientifiques afin de trouver un « profil biologique » type, nous aidant dans la détermination des EEE… Néanmoins, nous retrouvons des protocoles scientifiques permettant d’évaluer objectivement la capacité de colonisation d’une espèce, les habitats concernés, ainsi que la capacité d’expansion de l’espèce dans ceux-ci.
Impacts des EEE sur notre environnement
Les EEE induisent des impacts plus ou moins importants sur les écosystèmes, nous pouvons retrouver cinq catégories d’impacts (Ciruna et al., 2004) :
Les impacts sur la biodiversité : les EEE étant introduites peuvent entrer en compétition avec les autres espèces présentes sur le territoire où elles se trouvent, se nourrir de certaines, les remplacer ou même s’hybrider avec elles. Elles peuvent aussi transmettre des maladies ou des parasites dont les plantes autochtones n’ont jusque-là jamais rencontré. Ces phénomènes peuvent conduire à la disparition locale des espèces autochtones notamment dans certains habitats où nous retrouvons des espèces endémiques de la région.
Les impacts sur la santé humaine : certaines espèces végétales peuvent provoquer des brûlures cutanées (Berce du Caucase, Heracleum mantegazzianum) ou encore des allergies respiratoires (Ambroise à feuilles d’armoise, Ambrosia artemisiifolia), d’autres vont plutôt stocker et/ou transmettre des maladies (mammifères par exemple).
Les impacts sur le fonctionnement des milieux : on peut retrouver un changement dans les propriétés du sol (enrichissement d’azote, production de substances empêchant la croissance d’autres espèces végétales), un changement sur des cours d’eau ou plan d’eau : effectivement les EEE peuvent avoir une incidence sur la température de ces eaux en jouant sur l’arrivée de lumière, avoir une fragilisation des berges…
Les impacts sur la sécurité humaine : les vertébrés par exemple peuvent être à l’origine de collision (exemple de la Bernache du Canada, Branta canadensis sur les pistes d’aéroport au Royaume-Uni et aux Pays-Bas). Pour les végétaux, en milieu aquatique, la densité importantes de plantes et d’algues peut endommager les systèmes de refroidissement des centrales électriques.
Les impacts socio-économiques : les EEE peuvent provoquer une baisse de production, mais surtout des coûts très élevés mis en place pour la gestion de ces espèces mais aussi dans les réparations d’infrastructures endommagé par les EEE. Pour illustrer cela, au niveau européen, le coût annuel des dommages et des interventions de gestions dépasserait les 12 milliards d’euros (Kettunen et al., 2008).
Depuis quelques années en France, on peut remarquer des progrès dans la connaissance des invasions biologiques, de leur fonctionnement et de leurs conséquences sur notre environnement.
Stratégies d'actions
L’Europe a mis au point en 2003, une stratégie relative aux EEE. Elle privilégie une mise en place de mesures coordonnée entre tout les états membres ayant pour but de prévenir et de minimiser l’impact néfaste des EEE sur la biodiversité, l’économie et la santé. Cette stratégie fournit des orientations aux organismes de protection de la nature (Conservatoire d’espaces naturels, association…).
D’autre part, plusieurs structures travaillent à l’élaboration d’une base de données (European Alien Species Information Network − EASIN, Delivering Alien Invasive Species Inventories for Europe – DAISIE, etc.) regroupant les EEE en Europe, cela facilite la recherche de connaissances sur les différentes EEE pour scientifiques et décideurs qui seraient amené à gérer des espaces comprenant des EEE.
Au niveau français (métropole) la politique se partage ce sujet entre le ministère de l’Écologie, de la Santé et de l’Agriculture. Celui qui est en charge d’élaborer des stratégies d’actions nationales (incluant la réglementation européenne) est plus spécifiquement le ministère de l’Écologie.
D’un point de vu local, les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (DREAL) vont avoir pour mission de superviser la surveillance des EEE par les structures gestionnaires des différents sites. Certaines DREAL vont contribuer au recensement des espèces, à l’organisation des réflexions et à la gestion des EEE.
Les conservatoires d’espaces naturels ainsi que d’autres structures infra nationales prennent part aussi à cette thématique.
Législation
La réglementation européenne limite le commerce des EEE, leur importation et leur introduction. Ainsi, au niveau des particuliers, il est recommandé de ne pas importer et planter des EEE tel que le Laurier cerise (Prunus laurocerasus), ou encore le bambou (Phyllostachys spp.) souvent introduit dans les jardins.
Certaines espèces ornementales ne sont pas réglementées toutefois leur introduction provoque un envahissement des habitats alentours tels que les forêts pour le Laurier réduisant l’apport de lumière au sol et empêchant le développement de la strate herbacée et les Ripisylves pour le Bambou, les fragilisant.
Ces espèces se multiplient très vite et sont très difficiles à gérer. De plus, les opérations de gestion sur ces espèces sont très coûteuses et laborieuses, car souvent nous devons intervenir sur plusieurs années (par exemple la Berce du Caucase qui présente un stock de graine dans le sol, nous devrions intervenir tous les ans avant fructification des plants pendant 5 à 7 ans).
Quelques exemples d’EEE rencontré régulièrement
Solidage géant (Solidago gigantea) : introduit en 1758 comme plante ornementale, la phase d’expansion de la plante a débuté au milieu du XXe siècle. Ce n’est qu’à la première moitié du XIXe siècle qu’il a été signalé en France. Cette espèce colonise les milieux (ripisylves, prairie humide, marais) en empêchant ou retardant la régénération des autres espèces végétales, de même il réduit de moitié la diversité d’espèces dans le cortège floristique traditionnel des milieux où il se trouve (Voser-Huber 1983 ; Schuldes et Kuber 1990 in Muller, 2004) et a des effets néfastes sur la diversité et l’abondance des pollinisateurs (Moroń et al., 2009).
Renoué du Japon (Reynoutria japonica) : commercialisé en Europe à partir de 1842, herbacées géantes pouvant vivre plusieurs décennies, elles ont des impacts très importants sur les bords de rivières… Effectivement, elles vont s’installer sur les berges, gênant ainsi l’apport de lumière sur le cours d’eau et sur le sol. Cela implique une diminution de la diversité végétale et animale (Bimova et al. 2003 Maerz et al. 2005, Gerber et al. 2008).
Érable negundo (Acer negundo) : au cours du XVIIe siècle, cette espèce a été introduite volontairement pour l’ornement. Ici, contrairement aux autres espèces évoquées, son impact est relatif, effectivement les peuplements denses peuvent réduire la biodiversité de la strate herbacé et arborée (Fried 2012, Muller, 2004), en bord de cours d’eau, ils peuvent fragiliser les berges (Porté in Sarat et al., 2015). Toutefois, il n’y a pas de réelle concurrence observée avec les autres espèces ligneuses hormis peut-être avec le Saule blanc (Salix alba) (Fried 2012, Muller, 2004).
Leslie Changea