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Migration des oiseaux et changement climatique

Le fonctionnement de la migration chez les oiseaux

Avant d'aller plus loin dans le fonctionnement de la migration des oiseaux, définissons ensemble le terme de migration.

 

En termes ornithologiques, la migration est un va-et-vient d'espèces dans deux zones bien définies. C'est-à-dire que l'espèce est présente à un endroit spécifique l'été et un autre l'hiver.

 

Mais alors comment les oiseaux se repèrent-ils sans GPS ?

Effectivement, nous pouvons nous poser la question notamment pour les juvéniles lors de leur première migration.

 

Les scientifiques ont pu démontrer que les oiseaux ne prenaient pas des directions aléatoires pour se rendre à leur destination mais que tous les oiseaux d’une même espèce et d’une même zone géographique empruntent le même itinéraire.

Fauvette à tête noire, Sylvia atricapilla (source : INPN)
Fauvette à tête noire, Sylvia atricapilla (source : INPN)

Prenons un exemple : une population de Fauvettes à tête noire venant d'Autriche lors de sa migration. Celle-ci part pour une destination précise, l'Est de l'Afrique centrale.

 

Quelle direction vont-elles prendre ?

Il a été observé que les individus voyagent en orientation Sud-Est jusqu'au Sud de la Turquie puis prennent une orientation Sud pour arriver à destination ! Des directions bien spécifiques pour cette colonie.

 

Mais alors comment avons-nous trouvé cette particularité chez les oiseaux ?

Cette expérience a été effectuée grâce à un « entonnoir d'Emlen ». Comme son nom l’indique, on va poser un oiseau dans un entonnoir, où on aura préalablement mis du papier. Nous ajouterons un filet pour l'empêcher de s'échapper puis de l'encre sur ses pattes pour observer ses empreintes. Une alternative de l’encre est de mettre un autre papier dans le fond de l’entonnoir que l'oiseau peut gratter en grimpant.

 

Lorsqu'il ressent le besoin d’effectuer sa migration, nous pourrons observer l'orientation que celui-ci prendra grâce aux empreintes qu’il aura laissé.

Fauvette à tête noire, Sylvia atricapilla (source : INPN)
Fauvette à tête noire, Sylvia atricapilla (source : INPN)

Tout cela parait simple mais nous pouvons voir des différences selon les populations de la même espèce…

 

Reprenons un autre exemple, toujours avec des fauvettes… si nous observons la migration d'une population provenant cette fois-ci d'Allemagne, nous observerons que celle-ci ne prend pas le même chemin que celle d'Autriche.

 

Effectivement, elle se dirigera vers le Sud-Ouest jusqu'au Sud de l'Espagne puis plein Sud pour aller à l'Ouest de l'Afrique centrale. La destination est à la même latitude mais elles ne prendront pas les mêmes directions pour s'y rendre

Cette particularité a été prouvée par Helbig lors d'une expérience en 1991. Il a démontré ces orientations en prenant deux échantillons de Fauvettes, un en Autriche et un en Allemagne.

C’est une nouvelle fois grâce à des entonnoirs d'Emlen qu’il a pu observer ces schémas distincts selon les deux populations.

 

Helbig a ensuite cherché à savoir si les descendants de ces populations reproduisaient les mêmes schémas que leurs parents. Suite au lâcher de ces descendants, il a ainsi observé chez ces oiseaux que la direction prise était une moyenne des directions des deux populations.

 

La conclusion de cette observation montre qu’une partie du fonctionnement de la migration est génétique.

 

L'oiseau va savoir quelle orientation de vol prendre pendant un temps donné. Ce programme est déterminé par des mécanismes physiologiques de "Direction + Temps".

 

Le temps serait déterminé par leur horloge biologique et la direction serait régi par une «  boussole » qui varie selon les espèces.

Observation de la boussole astronomique basée sur le soleil

Le soleil se lève à l'Est, est orienté Sud au zénith et finit par se coucher à l'Ouest.

 

Les oiseaux utilisent ce phénomène pour se repérer dans l'espace et savent comment s'orienter en fonction d'où se trouve le soleil.

 

Cette méthode d'orientation a été trouvée en mettant les oiseaux dans une pièce et en manipulant l'éclairage pour faire en sorte que le soleil se lève 6h plus tôt.

 

Dans ce cas, les oiseaux sont orientés de façon à partir dans la direction associée à cette phase. Ainsi, croyant partir au Sud puisque pour eux le soleil se trouve au zénith, ils se déplacent en réalité vers l’Est.

Observation de la boussole astronomique basée sur les étoiles

Par Dan Muntz from Valdosta, USA — 90 Minutes of Your World
Par Dan Muntz from Valdosta, USA — 90 Minutes of Your World

Certains oiseaux qui migrent la nuit se localisent et s'orientent grâce aux étoiles.

 

Emlen, en 1975, va effectuer une expérience dans un planétarium. Il prendra trois échantillons d'oiseaux (A, B et C) qui seront élevés de différentes façons.

Dans l'échantillon A, les oiseaux seront élevés avec un ciel gris sans étoiles.

Dans le B, le ciel tourne autour de l'étoile du Nord comme notre ciel.

Et pour finir le C, aura un ciel qui tourne autour de l’étoile Bételgeuse.

 

Nous retrouvons les résultats suivant :

A = les oiseaux partent dans tous les sens, il n'y a pas d'orientation précise.

B = les oiseaux de cet échantillon prennent une orientation Sud par rapport au Nord (étoile).

C = ce groupe prends une orientation Sud mais par rapport à Bételgeuse. 

 

Les oiseaux savent donc repérer dès leur naissance quelle étoile est l'étoile fixe qui représente le Nord puis s'oriente en fonction de celle-ci.

Expérience pour l’observation de la boussole magnétique

Grâce à des bobines d'Helmholtz (bobine en cuivre pouvant modifier l'aspect magnétique), les scientifiques Wolfgang et Roswitha Wiltschko en 1972 ont montré que les rouges gorges avaient une boussole magnétique.

 

Disons que ce petit passereau se dirige d'ordinaire vers le Nord.

 

Si on change les pôles pour lui faire croire que le Sud est en réalité le Nord alors il se dirigera vers le Sud naturellement.

Et si l'on change le magnétisme de façon verticale, donc intervertissant l'Est et l'Ouest, l'oiseau va aussi vers le Sud.

 

Donc la boussole magnétique de cet oiseau n'est pas régi par l'aspect Nord d'une boussole mais il va utiliser l'inclinaison de celle-ci pour s'orienter.

Mécanisme de "carte et boussole" et l’influence du vent sur la migration

L’oiseau en vol rencontre différents obstacles et le plus significatif est le vent qu’il rencontre tout au long de son voyage. Le vent influe sur la direction de l’oiseau qui va le faire dériver de sa trajectoire s'il ne le compense pas pendant son vol…

 

Cette compensation nous montre que les oiseaux savent se rediriger en fonction de ce phénomène météorologique. Néanmoins, cette capacité contrairement à la migration n’est pas innée. Les oiseaux savent compenser le vent petit à petit grâce à l’apprentissage pendant leurs multiples migrations.

 

C’est ce mécanisme de compensation que l’on appelle « carte et boussole ».

Mais quelle carte ?

Le mécanisme est appelé ainsi car les oiseaux savent utiliser la longitude et la latitude pour se repérer mais aussi grâce à un phénomène assez particulier...

 

En 1972, Floriano Papi lance une expérience sur les pigeons voyageurs pour comprendre comment ils se repèrent dans l’espace. Il remarque que les pigeons savent retourner à leur pigeonnier s’ils sont lâchés quelque part loin de leur site d’élevage.

 

Comment cela marche-t-il ?

Pour comprendre, il va supprimer l’odorat de ces pigeons par lavage de leur muqueuse (avec du sulfate de Zinc) et reproduire la même expérience. Il va donc les lâcher loin de leur pigeonnier et observer leur comportement. Pour cet échantillon, il observe qu’ils ne savent pas retourner d’où ils viennent ou qu’ils mettent longtemps à y retourner quand ils retrouvent l’odorat au bout d'un certain temps.

 

Ainsi, cela nous apprend que les pigeons ont une sorte de carte olfactive des lieux et c’est en associant une odeur à un endroit spécifique qu’ils arrivent à se repérer et à retourner au pigeonnier.

L'impact du changement climatique sur la migration des oiseaux

L’impact dû au changement climatique sur les migrations a depuis été observé sur une vaste zone géographique. Nous retrouvons le calendrier migratoire de certaines espèces, avancé ou reculé selon que l’on soit sur l’aller ou le retour de leur voyage.

Certaines espèces, au contraire, restent plus longtemps sur leur site de nidification voir ne partent plus du tout.

En Alsace, nous pouvons observer ce phénomène assez facilement avec les cigognes qui ont tendance à rester dans notre région pendant l'hiver.

 

Cela implique plusieurs choses pour les oiseaux, notamment sur leur cycle de vie… Effectivement, changeant leur cycle de migration cela influe aussi sur les périodes de reproduction qui se trouvent également avancées.

 

Cette avancée est assez stratégique, si l’on prend le cycle de reproduction des oiseaux insectivores, il se trouve fixer sur le cycle de développement des insectes. Ainsi, l’éclosion des œufs coïncide avec l’explosion démographique des insectes au cours de l’année.

Conclusion

 

 

 

Par conséquent, le changement climatique influant sur le cycle de vie des insectes, ce qui les fait se développer plus tôt dans l’année, les oiseaux sont obligés de s’adapter rapidement à ce changement pour ne pas élever leurs oisillons pendant une pénurie de nourriture.

 

 

 

 

 

 

Le changement climatique n’est malheureusement pas le seul biais au bon déroulement de la migration des oiseaux. Nous retrouvons un autre phénomène les impactant, spécifiquement sur la migration nocturne de certaines espèces. L’augmentation de la démographie des villes que nous avons vécue depuis de nombreuses années a impliqué l’augmentation des éclairages publics… favorisant les déplacements, le confort des citoyens ainsi que leur sécurité. Cet éclairage a aussi un revers pour les espèces notamment sur la désorientation et l'éblouissement des oiseaux, qui finit parfois par nuire à la vie de ces espèces.

Leslie Changea

Pour aller plus loin...

Colloque Migration 2020 de la LPO : https://bit.ly/30Qfyjj

Francesco Bonadonna. CEFE-CNRS. « S2 : Plénière : les mécanismes d'orientations de la migration ».

Bibliographie

Helbig A. J. « Inheritance of migratory direction in a bird species: a cross-breeding experiment with SE-and SW-migrating blackcaps (Sylvia atricapilla) ». Behavioral Ecology and Sociobiology. 1991. Vol. 28, n°1, p. 9‑12.
 
Emlen S. T. « Migration: orientation and navigation ». Avian biology. 1975. Vol. 5, p. 129‑219. 
Wiltschko W., Wiltschko R. « Magnetic Compass of European Robins ». Science [En ligne]. 7 avril 1972. Vol. 176, n°4030, p. 62‑64. Disponible sur : < https://doi.org/10.1126/science.176.4030.62 >
Besnard A., Bourgeois M., Bizien C., Buffet V., Roca A. « LPO Délégation territoriale Aquitaine ». p. 45.