Origines du concept
En 1972, le Club de Rome commande le rapport Limits to the growth (Halte à la croissance dans sa version française), à des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ce rapport pose la question de l'exploitation excessive des ressources naturelles, et de leur potentiel épuisement. L'année suivante, le premier choc pétrolier qui suit l'atteinte du pic de production de pétrole des États-Unis entérine la question de l'approvisionnement des ressources énergétiques fossiles, et vient rappeler que toutes les ressources minières sont amenées à subir le sort de l'or noir en termes de cycle d'exploitation et de coût sur le marché des matières premières.
Dans ces mêmes années 1970, à Kalundborg, au Danemark s'expérimente une logique de symbiose industrielle, qui consiste à échanger des flux de matières ou d'énergie (vapeur, eau tiède) entre différentes structures réalisant des activités différentes. Cela donnera naissance à ce que nous appelons aujourd'hui l’Écologie Industrielle et Territoriale (EIT).
Mais c'est en 2002 que tout s’accélère, avec un livre évoquant pour la première la logique "du berceau au berceau". Il sera traduit en France en 2009, sous le titre : Cradle to cradle créer et recycler à l’infini. Paraissant dans le contexte des lois Grenelle de l'environnement, le concept commence à intéresser les milieux écologistes et médiatiques.
Dès lors la notion d'économie circulaire commence à se populariser, avec notamment la création de l'institut national pour l'économie circulaire (INEC) en 2013, et le travail de la Fondation Ellen McArthur.
En 2018, une norme française expérimentale donne une définition de l'économie circulaire comme étant un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources, à diminuer l’impact sur l’environnement tout en permettant le bien‐être des individus, dans lequel la valeur des produits, des matières et des ressources est maintenue dans l’économie aussi longtemps que possible et la production de déchets est réduite au minimum.
Approche cycle de vie
Le modèle de l'économie circulaire nécessite une démarche indissociable de l'approche par le cycle de vie des produits. Cette approche qui s'est, elle aussi, développé à partir des années 1970, a permis dans les années 1990 de standardiser les méthodes d'éco-conception, en facilitant l'évaluation des impacts environnementaux d'un produit ou d'un service, depuis sa conception, jusqu'à sa commercialisation et sa fin de vie par élimination définitive des déchets ou par recyclage.
L'intérêt de cette démarche est de se pencher avec exigence par une approche multi-étapes (extraction des matières premières, fabrication, transport, distribution, consommation, élimination), et multi-critères (impacts environnementaux tels que le réchauffement climatique, l'eutrophisation des eaux ou le changement d'affectation des sols) sur l'ensemble des effets mesurables et reconnaissables un circuit de production.
Son avantage notoire sera de pouvoir comparer des produits entre eux, entre leurs différentes versions, et d'initier l'amélioration continue des produits et services sur leurs performances environnementales.
L'éco-conception est ainsi née, et peut aujourd'hui prétendre à se coupler avec la socio-conception (prise en compte des impacts sociaux d'une production) ou avec la compréhension globale des coûts d'un produit ou d'une activité. Cette approche répond également aux attentes des consommateurs, et au souci d'un mode de vie plus responsable et plus respectueux des enjeux de durabilité.
Des modèles économiques émergents
L'économie circulaire permet l'émergence de nouveaux modèles de production, soit en modifiant des activités existantes comme par exemple l'intégration du recyclage et de l'éco-conception dans la production industrielle, soit en modifiant totalement le modèle d'affaires comme peut le faire l'économie de la fonctionnalité qui "servicialise" la commercialisation de produits.
Un exemple d'économie de la fonctionnalité est la coopérative Commown à Strasbourg, qui permet de disposer de matériel électronique (ordinateurs, smartphones, matériel audio) sous forme de contrat de location sans option d'achat. Ce modèle qui inclut toute une gamme de services (assistance, maintenance, aide à l'auto-formation) se base sur des produits le plus éco-conçu possible, chose hardie dans l'électronique, et peut se permettre d'améliorer la réparabilité des objets, tout en plaidant pour une meilleure maitrise du produit par les consommateurs, que ce soit sur les aspects matériels (auto-réparation) ou logiciel (transition vers des systèmes open source et maîtrise des données personnelles).
Évolution réglementaire et questionnements
Dans les dernières années, les réglementations prenant en compte dans différents secteurs la notion de circularité des activités s'est développée. En 2018, une feuille de route concernant l'économie circulaire trace des grandes orientations au travers de 50 mesures touchant à tous les secteurs d'activité, pour conduire la transition d'une économie linéaire vers une économie circulaire. La même année, l'Union Européenne adopte son "paquet économie circulaire" au travers de 4 grandes directives passant en revue les différents dispositifs relatifs aux déchets et au recyclage. En 2020, une loi anti-gaspillage pour une économie circulaire est adoptée. Parmi les priorités, sortir du plastique jetable ou encore développer un indice de réparabilité avec une meilleure information du consommateur.
Malgré l'évolution des normes et réglementations, l'inclusion d'une approche cycle de vie dans les marchés publics, la compréhension des impacts environnementaux des activités sur l'ensemble du cycle de vie reste une démarche complexe, et souvent réservée aux experts, ce qui rend difficile sa bonne compréhension. La généralisation des éco-profils, issus d'analyses de cycle de vie exhaustives reste aujourd'hui freiné par la faible possibilité d'évaluer "au réel" les impacts environnementaux d'un circuit de production dans un monde globalisé. En entreprise, les achats responsables se développent, mais restent souvent basés sur des labels, tout comme le font les consommateurs dans les rayons des supermarchés. De nombreuses notions autour de l'économie circulaire se démocratisent néanmoins, au travers de terminologies parfois aléatoires, mais également d'intentions qui se construisent et gagnent lentement mais surement en cohérence jour après jour.
Sources et bibliographie