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Intelligence artificielle : un ennemi ou un allié dans la protection de l'environnement ?

Intelligence artificielle : un ennemi ou un allié dans la protection de l'environnement ?

Une législation européenne sur l’intelligence artificielle (IA) a été approuvée le 13 mars 2024 par les députés et ce près de trois ans après sa proposition par la Commission européenne, le 21 avril 2021. Ce règlement, inédit et prochainement publié au Journal officiel de l'Union européenne, garantit la sécurité juridique pour permettre les investissements et les innovations mais également pour “faciliter le développement d’un marché unique pour des applications d’IA légales et sûres”. L'IA Act a également pour objectif de permettre davantage de transparence et ce dans un domaine souvent négligé par les industriels : le coût environnemental. Toutefois un manque de précision dans cette volonté de traçabilité peut être reproché car aucune partie du texte ne la définit clairement. La protection environnementale constitue un enjeu dans cette nouvelle législation mais aucun article de la loi ne précise la fréquence à laquelle les données doivent être présentées ou bien s’il existe un seuil maximal ne pouvant être dépassé par les entrepreneurs et industriels.

 

Des scientifiques de l’Université de Stanford ont démontré qu’il est impossible de mesurer l’empreinte environnementale réelle d’une intelligence artificielle, et ce en raison d’une absence de données normées. Il apparait toutefois que les IA détiennent nettement un impact et ce, par exemple, par leur consommation, indirecte, d’eau.

En effet, les IA sont de plus en plus développées pour collecter, comprendre, analyser ou encore modéliser des données. Mais la production de cette technologie, son entrainement à répéter les taches aussi bien voire mieux qu’un humain, son entretien ainsi que le stockage des données qu’elle réceptionne et analyse, nécessitent des lieux d’emmagasinage. Ces derniers consomment beaucoup d’énergie et sont souvent situés au nord du globe afin d’utiliser le moins de ressources pour refroidir les Data Center. Mais le changement climatique, (en partie causé par la multiplication des technologies), oblige un refroidissement supplémentaire à celui déjà opéré par les ventilateurs et donc la consommation de nombreux litres d’eau. Les rapports de responsabilité environnementale des plus grandes multinationales des technologies de l’information et de la communication (TIC) Microsoft et Google démontrent chaque année une consommation grandissante d’eau. Le rapport de Microsoft s’élève à 6,4 milliards de litres d’eau pour l’année 2022 (augmentation de 34% par rapport à 2021). Les scientifiques s’accordent pour expliquer cette croissance, en grande partie, par le développement des intelligences artificielles.

L’IA, et plus généralement les objets technologiques, contribuent donc fortement à la modification de l’environnement. En effet, leur production et leur emploi peuvent conduire à un épuisement des ressources naturelles rares. Peu de matériaux les composant sont recyclables, les déchets sont ainsi souvent déplacés dans d’autres pays puis enfouis dans leurs sols, menant à leur pollution et donc causant des dommages pour les générations futures. De plus, les produits chimiques permettant la production des TIC peuvent polluer les eaux et les nappes phréatiques, ce qui renforce les difficultés pour l’agriculture mais également pour les populations qui manquent d’eau potable.

 

Dans le monde actuel, où les marchés sont rythmés par les innovations, il est peu probable que la totalité des entrepreneurs renonce à l’emploi de l’IA pour améliorer leurs performances au risque de perdre en compétitivité. Une partie d’entre eux affirment s’engager dans la recherche d’une IA plus verte, bien que celle-ci demeure toujours très énergivore. Il réside alors toujours l’idée d’un équilibre à garder comme ambition, celui d’un bénéfice écologique supérieur à l’énergie dépensée pour l’obtenir.

Il apparait donc important de nuancer le débat autour de l’utilisation de l’IA dans le domaine environnemental. La technologie peut être pensée comme bénéfique aux êtres vivants dans certains domaines comme c’est le cas dans celui de la santé. Des innovations dans le secteur environnemental permettent de nombreuses améliorations comme la diminution des émissions du commerce maritime à l’aide de voiliers cargos, le nettoyage des océans, la simulation du recul des glaciers ou encore la sauvegarde des abeilles. Les nouvelles technologies permettent dans ces différents cas la modélisation mais également le recueil et l’analyse de données voire l’action dès la détection d’une anomalie. Dans ces situations, l’emploi de l’IA s’avère favorable, elle agit soit en complément de l’humain ou le remplace lorsque ce dernier ne peut le faire en continu.

Mais la (sur)valorisation de l’IA dans tous les domaines peut mener à de multiples risques dont celui de l’effet rebond, également nommé paradoxe de Jevons. Ce dernier désigne “chaque progrès dans la recherche, même inscrit dans un objectif de sobriété, générant des vagues de croissance des usages et in fine, « en rebond », des croissances de consommation, à tous niveaux” (Pour l’Eco, 2020). Autrement dit, c’est la hausse de la consommation de biens résultant de la diminution des contraintes pesant sur l’environnement, obtenue grâce aux progrès technologiques. L’objectif des nouvelles technologies est d’employer à termes moins de ressources non renouvelables mais surtout de permettre de nouvelles améliorations et de rester compétitifs pour les entrepreneurs. Mais le développement à terme de toujours plus d’IA pourrait causer cet effet rebond, c’est-à-dire que dans un premier temps son utilisation peut avoir un aspect positif mais à termes la multiplication de son utilisation (son effet rebond) peut causer des dommages.

 

Ainsi, les nouvelles technologies peuvent dans certains cas jouer un rôle d’alliées de la protection de l’environnement mais leur déploiement et leur entretien permanents peuvent avoir tendance à les révéler néfastes dans cette lutte. Il apparait donc important de garder à l’idée le besoin de retirer un bénéfice écologique supérieur à toute l’énergie dépensée lors de l’ensemble du processus pour effectuer les meilleurs choix quant à l’utilisation de l’IA concernant l’environnement.

 

 

Clémence Rose

Bibliographie