Des cyanobactéries en Alsace
Cet été, les bénévoles du SAMU de l’environnement ont constaté à plusieurs reprise la présence de cyanobactéries sur les sites d’intervention. Nous avons déjà évoqué les caractéristiques de ces micro-organismes ainsi que les conditions de leur développement dans les écosystèmes dans cet article. Deux de nos interventions ont retenus notre attention, car elles illustrent l’impact des cyanobactéries sur la santé publique et les paysages.
Un réel danger en cas de baignade
Courant juillet, nous avons reçu un signalement dans le Haut-Rhin concernant la mort d’un chien peu après une baignade dans un plan d’eau. Un bénévole intervenu le jour même a constaté la couleur verte de l’eau et fait un prélèvement pour observation sous microscope optique. Il a pu reconnaitre la présence de cyanobactéries, sans aller jusqu’à identifier l’espèce.
La production de toxines dangereuses pour l’homme et les animaux par certaines cyanobactéries est un fait connu, qui a donné lieux à des dispositions réglementaires. Ces dispositions impliquent un suivit des eaux de baignade, et la prévention de l’exposition du public lorsqu’un danger est détecté. L’hypothèse la plus probable concernant la mort du chien est la présence de cyanotoxines dans l’eau le jour de sa baignade. Sur place notre bénévole a constaté la présence de panneaux interdisant la baignade. Le lendemain de son intervention, il s’est rendu à nouveau sur site. L’eau était redevenue claire et plusieurs personnes s’y baignaient, en dépit des panneaux toujours en place.
Il n’y a pas eu d’accident ce jour-là, mais le risque pris par ces personnes est bien réel. Les cyanotoxines sont en effet indétectables sans un appareillage de mesure approprié et peuvent subsister dans l’eau même après la disparition des cyanobactéries impliquées.
Comme les cyanotoxines, de nombreuses substances chimiques sont solubles dans l’eau sans altérer sa couleur, à la manière du sel de cuisine. C’est aussi le cas de certains micro-organismes pathogènes indétectables à l’œil nu. C’est pourquoi il est important de suivre les recommandations des entités en charge de la gestion des eaux de baignades et se dispenser d’entrer dans l’eau, même claire et limpide, lorsqu’un danger est signalé.
Des cyano de toutes les couleurs
Fin aout, des membres de la Réserve naturelle du Massif forestier de la Robertsau et de La Wantzenau nous sont signalé l’apparition de tâches roses et jaunes au milieu du Hellwasser, un cours d’eau de la réserve.
Des bénévoles se sont rendus sur place une semaine après pour des observations et prélèvement. Les tâches se sont avérées être des amas filamenteux à la surface des algues et sur le fond de l’eau. Nos bénévoles identifient à ce stade le phénomène comme une efflorescence, c’est-à-dire le développement rapide d’une colonie de cyanobactéries ou d’algues. Malgré la couleur étonnante de ces micro-organismes, ceux-ci ne semblent pas repousser les poissons, les bénévoles aperçoivent en effet plusieurs carpes de belle taille et des bancs d’alevins à proximité des efflorescences. Le cours d’eau, bien que très encombré par les algues, abrite aussi des brochets et des grenouilles, et est survolé de plusieurs espèces de libellules.
Le taux d’oxygène mesuré sur place est très bas, caractéristique d’un milieu eutrophisé. Nous avons dosé les matières azotées et le phosphate. Si les premières sont absentes ou présentes en faible quantité, en dessous du seuil de qualité des eaux, la quantité de phosphate dépasse légèrement seuil de qualité. Pour plus détail sur le phénomène d'eutrophisation, cet article de notre site y est consacré.
Une fois prélevées et observées au microscope optique, les micro-organismes ont été reconnus comme appartenant à une famille de cyanobactérie naturellement présentes dans les cours d’eaux et qui n’émet aucune toxine.
On est ici face à un cours d’eau peu profond, à faible courant, et déjà bien eutrophisé, comme en témoignent les importantes populations d’algues. Les efflorescences présentes ont pu se nourrir
d’un apport de phosphate. Ce dernier peut provenir de la dégradation immédiate de la matière organiques locale, algues, végétation des berges ou des sédiments du cours d’eau. Les sédiments
peuvent en effet stocker des éléments chimiques pendant des temps assez long, et relâcher ces éléments dans la colonne d’eau lorsqu’ils sont perturbés, par exemple par de fortes
précipitations.
A retenir
Ces deux interventions illustrent l’importance de se renseigner sur l’état écologique et chimique d’un plan d’eau ou cours d’eau avant de prendre des décisions. En effet, alors même qu’une eau limpide peut abriter des toxines létales pour les hommes et les animaux, des efflorescences colorées ne présentent pas de danger écologique immédiat. Ces évènements constituent cependant des déséquilibres ponctuels des écosystèmes, et vont être amenés à se répéter de plus en plus souvent dans les mois et années à venir, sous l’effet combiné du changement climatique et des activités humaines. Il est essentiel de suivre les cours et plans d’eau concernés pour prendre la mesure de l’impact a moyen et long terme de ces déséquilibres répétés.