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Directive sur la surveillance des sols

Directive sur la surveillance des sols

"La directive vise à instaurer un cadre de surveillance solide et cohérent pour tous les sols de l'Union […], à favoriser une amélioration constante de la santé de ces derniers, à maintenir les sols dans un bon état de santé et à lutter contre tous les aspects de la dégradation des sols en vue de parvenir à un bon état de santé des sols d'ici à 2050."

Genèse et processus d'élaboration

Une première tentative avortée dans les années 2000

Dès 2002, la Commission Européenne communique sur l'adoption d'une stratégie thématique pour la protection des sol. Une consultation de plusieurs années est lancée à ce sujet, d'abord auprès des experts, ensuite auprès du grand public.

 

En septembre 2006,  la Commission Européenne propose une première stratégie thématique européenne pour protéger les sols européens [1]. Ce document s'appuie sur les résultats des consultations avec le constat de la dégradation des sols en Union Européenne(UE), et met en valeurs plusieurs estimations critiques de l'état des sols européens :

  • 115 millions hectares, soit 12 % environ de la superficie totale des terres en Europe, sont soumis à l'érosion par l'eau, et 42 millions d'hectares subissent l'érosion éolienne;
  •  45 % des sols européens ont une faible teneur en matières organiques, principalement dans le sud de l'Europe, mais également dans des régions de France, du Royaume-Uni et d'Allemagne;
  • le nombre de sites potentiellement contaminés dans l'UE à vingt-cinq avoisine les 3,5 millions.

En décembre 2006, une proposition de directive cadre sur les sols est élaborée, suivant le modèle de la directive cadre sur l'eau mise en place en 2000. Ce texte n'aboutira cependant jamais, à cause de l'opposition de plusieurs pays, dont la France, qui, plaident leur préférence pour des réglementations à l'échelle nationale [2].

Un pacte vert pour l'Europe

En 2019, le pacte vert pour l'Europe est lancé, rassemblant des mesures visant à engager l'UE sur la voie de la transition écologique [3]. Il constitue l'application concrète par l'UE des accords de Paris signés en 2015, qui visent à limiter le réchauffement planétaire à +1,5 °C au maximum par rapport aux niveaux préindustriels. Ce pacte repose sur 6 principaux objectifs, fixés pour 2050, détaillés ci-dessous :

Logos accompagnant un court texte détaillant chacun des 6 ojectifs : Neutralité climatique, Economie circulaire, Industrie propre, Environnement plus sain, Agriculture plus durable ainsi que Justice climatique et équité
source : https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/

La stratégie européenne pour les sols à l'horizon 2030

Le 17 novembre 2021 la stratégie de l'UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 [4] vient s'inscrire dans la démarche du Pacte vert. Elle précise notamment les objectifs de l'UE concernant les sol, à moyen et long terme.
Objectifs à moyen terme à l’horizon 2030 :
  • lutter contre la désertification ;
  • restaurer de larges portions d’écosystèmes dégradés et riches en carbone, y compris les sols ;
  • parvenir dans l’ensemble de l’Union à 310 millions de tonnes équivalent CO2 d’absorptions nettes de gaz à effet de serre par an dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF);
  • atteindre un bon état écologique et chimique des eaux de surface et un bon état chimique et quantitatif des eaux souterraines d’ici à 2027;
  • réduire d’au moins 50 % les pertes en éléments nutritifs, réduire de 50 % le recours global aux pesticides chimiques et les risques associés à ceux-ci, et réduire de 50 % l’utilisation de pesticides plus dangereux d’ici à 2030 ;
  • accomplir d’important progrès dans la dépollution des sites contaminés.

Objectifs à long terme à l’horizon 2050 :

  • parvenir à zéro artificialisation nette des sols;
  • réduire la pollution des sols à des niveaux qui ne sont plus considérés comme nuisibles à la santé humaine et aux écosystèmes naturels et qui respectent les limites de notre planète, créant ainsi un environnement exempt de substances toxiques;
  • parvenir à une Europe neutre sur le plan climatique et, dans un premier temps, viser la neutralité climatique terrestre au sein de l’UE d’ici à 2035;
  • parvenir au sein de l’UE à une société résiliente aux changements climatiques entièrement adaptée aux répercussions inévitables de ces changements d’ici à 2050

Les différentes étapes de l'élaboration de la directive

Comme en 2006, la stratégie de l’Union Européenne (UE) pour la protection des sols à l’horizon 2030 prévoit l'élaboration d'une directive de protection des sols. Cette fois-ci le processus de réalisation est lancé. Pour ce faire, plusieurs étapes sont nécessaires :

  • 2022 : consultation publique
  • 5 juillet 2023 : publication de la proposition de directive sur la protection des sols par la Commission européenne.
  • 10 avril 2024 : approbation et proposition d'amendements du Parlement Européen sur la proposition de directive
  • 17 juin 2024 : prise de position du Conseil "Environnement" concernant l'orientation générale de la proposition de directive relative à la surveillance des sols

A l'heure actuelle, il n'existe pas de version finale du texte, qui n'est pas encore en vigueur.

La place de la directive dans les engagements de l'UE dans les domaines de l'environnement et du changement climatique

La directive relative à la surveillance et à la résilience des sols [5] a pour objectif de fournir un cadre réglementaire aux engagements de l'UE en matière de protection de l’environnement et réduction du changement climatique. Le maintien des sols en bonne santé entre ainsi dans plusieurs stratégies adoptées dans le cadre du pacte vert ; c'est le cas de la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, la stratégie "De la ferme à la table", le plan d'action "zéro pollution" et la stratégie de l'UE pour l'adaptation au changement climatique.

 

A l'échelle internationale, l'UE et ses états membres sont engagés au sein des Nations Unies à développer les objectifs de développement durable (ODD). Là encore, la directive, qui prévoit des sols en bon état d'ici 2050, a un rôle à jouer dans le cadre de nombreux ODDs, notamment ceux qui portent sur la sécurité alimentaire, la santé, l'accès à une eau propre et des systèmes d'assainissement, le développement de villes et communautés durables, une consommation et production responsables, la lutte contre les changements climatiques, et la protection de la vie terrestre. Trois conventions internationales impliquent également de porter attention à la qualité des sols : la Convention sur la biodiversité biologique, la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). A ce jour, treize pays de l'UE se déclarent touchés par le phénomène de désertification, dont la dégradation de la qualité des sols est un facteur important. Dans le contexte de la CCNUCC, les terres et les sols sont considérés à la fois comme une source et un puits de carbone ; à ce titre, la directive permettrait de faire entrer dans la réglementation l'obligation de mise en place de plans de gestion durable des sols, nécessaires à la conservation et l'amélioration des puits et réservoirs de carbone.

Qu'y-a-t'il dans la directive sur la surveillance des sols ?

Les constats

  • Les sols constituent une ressource vitale et limitée, considérée comme étant non renouvelable et irremplaçable sur une échelle de temps humaine, jouant un rôle crucial pour l'économie, l'environnement et la société.
  • 60 à 70 % des sols de l'Union sont dégradés et continuent de se détériorer.
  • La dégradation des sols coûte à l'Union plusieurs dizaines de milliards d'euros par an.
  • Une partie des services fournis par les sols aux activités humaines implique une dégradation de leur écosystème, il faut donc trouver un équilibre entre leur usage destructif et le maintien de la capacités des sols à fournir des services écosystémiques.

Chapitre 1 : Dispositions générales

Le premier article détaille la finalité et l'objet de la directive, dont un extrait est présenté au début de cette page, ainsi que les trois axes sur lesquelles la directive établit un cadre, développé dans les chapitres 2 à 4 de la directive. Les articles 2 et 3 précisent respectivement le champs d'application de la directive et des définitions. Les articles 4 et 5 prévoient l'établissement par les états membres "sur l'ensemble de leur territoire, [d']un ou plusieurs districts de gestion des sols sous la responsabilité d'une ou de plusieurs autorités compétentes", ainsi que la définition d'"unités de sol couvrant l'ensemble de leur territoire aux fins du plan de surveillance et de la déclaration de l'état de santé des sols".

Chapitre 2 : Surveillance et évaluation des sols

Comme indiqué dans les dispositions générales, la directive précise des obligations de surveillance et d'évaluation des sols par les états membres. Ils est ainsi explicité que "Les États membres mettent en place un cadre de surveillance à un niveau approprié pour les descripteurs du sol et les indicateurs d'imperméabilisation et de destruction des sols". Les descripteurs du sols sont listés en annexes et doivent être accompagnés de critères relatifs au bon état de santé des sols. Des méthodes de mesures sont également cités en annexe, à titre indicatif ou obligatoire. Les mesures réalisées doivent être intégrées dans une démarche d'évaluations de la santé des sols, à l'aide des critères relatifs au bon état de santé des sols.

Chapitre 3 : Gestion durable des sols

Ce chapitre invite notamment les états membres à "définir les pratiques de gestion durable des sols [...] en tenant compte des principes directeurs de gestion durable des sols" ainsi qu'à "définir les pratiques de gestion des sols et les autres pratiques ayant une incidence négative sur la santé des sols et devant être évitées par les gestionnaires de sols". Est aussi évoqué le "principes d'atténuation de l'artificialisation des terres", selon lequel les états membres doivent veiller à "éviter ou limiter autant que possible [...] la perte de la capacité du sol à fournir différents services écosystémiques, dont la production de denrées alimentaires". Les impacts de l'artificialisation des terres comportent notamment l'imperméabilisation et la destruction des sols.

Chapitre 4 : Gestion des sites contaminés

Ce chapitre précise que "les États membres veillent à ce que [...] les risques pour la santé humaine et l'environnement associés aux sites contaminés ou potentiellement contaminés soient recensés, gérés et maintenus [...] à un niveau acceptable". Ils doivent pour cela identifier les sites potentiellement contaminés à l'aide de listes d'activités potentiellement polluantes, analyser les sols des sites identifiés et établir un méthode spécifique d'évaluation des risques propres aux sites contaminés. Les sites contaminés et potentiellement contaminés sont inscrits dans un registre.

Chapitre 5 : Financement, information du public et rapports des États membres

Ce chapitre précise que "compte tenu du caractère prioritaire que revêtent la mise en place d'une surveillance des sols, la gestion et la régénération durables des sols, ainsi que la gestion des sites contaminés, la mise en œuvre de la présente directive bénéficie du soutien des programmes financiers de l'UE, conformément aux règles et conditions applicables de ces derniers." Est aussi évoqué l'obligation pour les états membre de communiquent par voie électronique à la Commission et à l'Agence Européenne de l'Environnement (AEE) tous les six ans les données et résultats de la surveillance et des évaluations de l'état de santé des sols ainsi qu'un résumé des progrès accomplis en ce qui concerne l'application des chapitres 3 à 4 de la directive. Ils doivent également rendre accessibles au public les résultats de la surveillance et des évaluations sous la forme de données agrégées, ainsi que le registre définit au chapitre 4.

Chapitres 6 : Délégation

Ce chapitre place les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter des actes délégués. Les actes délégués permettent la mise à jour d'actes législatifs. Dans le cas de cette directive, il s'agirait par exemple de modifier les méthodes d'analyses proposées en annexe pour suivre les évolutions techniques et technologiques. Ces actes sont préparés et adoptés par la Commission après consultation d'un groupe d'expert du domaine concerné.  Elle doit ensuite notifier le Conseil et de le Parlement de l'adoption de cet acte, ils disposent alors d'un délais pour formuler d’éventuelles objections. S'ils n'ont pas d'objections, l’acte délégué entre en vigueur.

Chapitre 7 : Dispositions finales

Ce chapitre comporte les questions relatives à l'accès à la justice dans le cadre de l'évaluation des sol. Il précise aussi le soutien de la  Commission aux États membres dans l'application de cette directive, avec notamment la  publication de documents et des outils scientifiques dans les domaines de la surveillance et la gestion des sols. Il est également prévu d'évaluer périodiquement les progrès constatés dans la réalisation des objectifs visés par la directive et la potentielle nécessité d'apporter des modifications afin de les atteindre. Les états membre doivent transcrire ce texte dans leur réglementation au plus tard 3 ans après son entrée en vigueur de la directive et communiquer à la Commission les textes qui en résultent.

Les Annexes

Les annexes comprennent notamment les descripteurs, les méthodes de mesure et les critères relatifs au bon état de santé des sols utilisés dans le cadre de la surveillance des sols, ainsi que des indicateurs d'imperméabilisation des sols et de destruction des sols. Sont également présentés des principes directeurs de gestion durable des sols, les aspects à prendre en compte dans les plans de gestions, une liste indicative de mesures de réduction des risques et les grandes étapes de l’évaluation des risques propre au site ainsi que le contenu du registre des sites contaminés et potentiellement contaminés.

Sources